« Je voudrais savoir décrire cette maison ouverte aux quatre vents, et en perpétuels travaux, cette vieille dame irascible et fatiguée que rien, aucune entreprise de travaux, de réfection, de rénovation, pourtant maintes fois menées au fil des années, et parfois à grand renfort humain, ne put jamais satisfaire. Telle que je l’ai connue, avec sa peinture écaillée et ses toiles d’araignée, la maison de Pierremont est restée une sorte de ruine magnifique, pétrie de rhumatismes et traversée de courants d’air, dans laquelle venaient régulièrement s’empaler les camions. Car la principale particularité de cette bâtisse tenait à son emplacement, dans le prolongement exact d’une route nationale, qui constituait un important axe routier. Ainsi, il est arrivé à plusieurs reprises, et au beau milieu de la nuit, qu’un chauffeur fatigué ou inattentif, surpris par le virage en T, rentre dans la maison par la grande porte, dans un crissement de freins aigu. Plus tard, la mairie fit construire devant l’entrée des sacs de béton. »
Delphine de Vigan, Rien ne s’oppose à la nuit.