À Toi l’immortel, petit chanceux de la vie, fils protégé de l’univers.
Je te devine flânant sur les marchés encore ouverts, sifflotant entre les étals, palpant des fruits et des légumes, tels des mamelons bien fermes.Tranquille, serein.
Comme je t’envie.
Installé confortablement sur tes certitudes rationnelles, pragmatiques, de toutes les études que tu as lues sur ce virus. Côté risques tu te sais peinard, tu as entre 30 et 50 ans, tu es en pleine forme puisque tu cours tous les matins, que tu ne fumes plus et que tu bois raisonnablement. Pas plus tard d’hier d’ailleurs, tu parlais à ton pote chercheur de tous ces cons qui s’affolent pour rien. De toutes ces études menées dont le quidam moyen n’a pas connaissance, et qui montrent que franchement, c’est quoi ce bordel ? Tout ça en t’étant octroyé une soirée off samedi soir, avec eux, tous ces copains de longue date, en buvant et en fumant. Bon quand même, tu t’es moins senti à l’aise quand le sujet de la discussion en est venu au pic de la pandémie que nous atteindrons tous dans une semaine. Mais c’est vite noyé et oublié. Et tant mieux. Parce que comme nous tous, tu aspires juste à rester confiant finalement.
Une magnifique bouteille, des chiffres, du fromage et roule.
Comme je t’envie d’avoir un canal d’accès à ces informations réservées à quelques élus, et qui te permettent de te rassurer, de continuer à « vivre ».
Et comme je te comprends.
Il y a deux ans en février 2018 la grippe saisonnière s’est invitée chez mon fils. Tu sais celle qui fait 10 000 morts chaque année, surfant allégrement sur les poignées de porte et les sacs de course. J’avais géré tout ça d’une main de maitre, campée sur mes certitudes moi aussi.
Pas les mêmes que les tiennes. Mais elles aussi nourries par un canal d’accès privilégié, une fréquence d’orfèvre. Celle de l’éveil spirituel.
J’avais donc soigné la chair de ma chair en l’embrassant avec amour, en le touchant allègrement, certaine que la lumière intérieure était une barrière infranchissable pour un virus invisible qui plus est (l’accès à l’invisible étant au cœur de mon job).
Putain comme j’ai pris cher. Une semaine après j’étais sous la couette, m’acharnant quand même à essayer de bosser. Pathétique. Mais toujours maintenue dans l’illusion d’être intouchable. Immortelle. Même pas traversée par la possibilité rationnelle que je pouvais faire partie des 10000 morts annuels. Pas moi.
Cher congénère immortel, italien, espagnol, allemand, le mode corona de 2020 fait que je t’envie encore plus.
Parce qu’entre temps j’ai perdu (quelques unes de) mes illusions sur la route. Quelques bonnes tartes dans la gueule ont sans doute du aussi servir à décaper mon canal d’accès à la super fréquence.
Pourtant je t’envie encore un peu. Mon congénère, mon frère, ma sœur. Immortel.le.
Car je te vois aussi sur YouTube, guide spirituel auto proclamé invincible grâce à la lumière divine qui te traverse. Tu me bluffes. Vraiment. Limite tu arriverais à me rassurer tellement tu dégages une certitude bien campée. Toi aussi.
Visiblement tu as su garder un accès au canal d’infos divin. Chanceux. Celui qui nous parle de notre futur. Qui nous dit que le monde de demain sera à tout jamais différent, que la prise de conscience est en route (si tu peux me dire aussi si oui-oui va devenir premier ministre, je prends). Tu constates, tu synthétises, tu affirmes. Un vrai scientifique de la spiritualité.
Je t’aime tellement pour ça. Car je me reconnais. Ma peur vient se lover dans tes mots. J’y trouve temporairement le réconfort dont j’ai besoin. Mais il ne dure pas. Car je vois dans tes mots, dans les silences suspendus, que toi aussi tu as peur, tu ne sais rien, et que pour mieux vivre cette traversée du désert sans lendemain visible et connu de quiconque, tu souhaites éclairer notre route à tous.
Alors très vite je me retrouve à nouveau seule face à moi-même, dans cette traversée du vide que pourtant nous partageons tous. Ensemble et séparément. Humains mortels.
Alors à Toi l’immortel, pragmatique et spirituel à la fois, je prie pour te retrouver bientôt, trinquer, te prendre dans mes bras et hurler notre bonheur d’être enfin libres. Vraiment. Pourtant c’est encore trop tôt.
Alors en attendant, regarde, écoute le silence assourdissant des rues, applaudis à 20h si tu veux, et surtout rappelle toi d’où tu viens, et où nous irons tous un jour, tôt ou tard. Le plus tard possible je nous le souhaite à tous.
Rentre dans ta coquille, en toi et chez toi. Nourris toi de ceux qui mettent leur énergie à nous faire rire (https://www.instagram.com/mamouz/ ), ou à maintenir le lien en relatant avec justesse et humilité leur traversée du vide (http://alicedebernard.com ). Prends le temps du bilan et du nettoyage, en découvrant cette discipline intemporelle qu’est le Feng Shui (si tu lis ces lignes, c’est que peut-être tu as déjà reçu en cadeau mon guide gratuit offert en t’inscrivant).
Rien ne marche, tout s’est arrêté, alors suit le mouvement et traverse ton vide du mieux que tu peux. Sois présent pour les personnes qui ont besoin de toi, fais du mieux que tu peux avec tes enfants. Écris, dessine, cuisine, chante, joue.
Et comme dirait Socrate en 2020, « rassure-toi toi-même ».
« L’être qui se cache, l’être qui « rentre dans sa coquille » prépare « une sortie ». Gaston Bachelard, la Poétique de l’espace.
Magnifique, je reste sans mot….tout reste futile par apport à la force de ce texte BRAVO 👏 !!!!
Merci Sarah :). Je suis très touchée par ton retour ❤